Lien pour télécharger la lettre transmise par la TRPOCB et la CTROC

Lien pour télécharger le communiqué de presse qui l’accompagne

 

Le 1er octobre 2020

Monsieur Lionel Carmant

Ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux

Édifice Catherine-de-Longpré

1075, chemin Sainte-Foy, 15e étage

Québec, (Québec), G1S 2M1

Objet : Demandes des OCASSS au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux.

Monsieur le Ministre,

La présente fait suite à notre correspondance du 11 septembre dernier a yant pour objet la Reddition de comptes annuelle 2019-2020 du Programme de soutien aux organismes communautaires pour la mission globale, et pour laquelle nous attendions une réponse de votre part.

Dans cette lettre, nous vous demandions d’annuler la décision d’exiger que les organismes communautaires autonomes en santé et services sociaux (OCASSS), recevant du financement PSOC mission globale, produisent leur reddition de comptes et tiennent leurs assemblées générales annuelles (AGA) avant le 31 décembre prochain.

Depuis cette correspondance, la Coalition des Tables régionales d’organismes communautaires et la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles ont eu plusieurs échanges avec les responsables de votre ministère, de même qu’avec votre conseillère politique, et la 2e vague de la COVID-19 s’est bel et bien installée. Durant la dernière semaine, l’ajout quotidien de nouveaux cas a varié de 637 à 933 personnes, ce dernier nombre ayant été atteint le 30 septembre. Quant aux paliers d’alertes, 3 régions sont complètement en code rouge et 4 autres le sont partiellement, lesquelles regroupent 5 millions de personnes. Ces derniers jours, plusieurs membres de votre gouvernement ont demandé à la population de réduire leurs occasions de contacts au strict nécessaire, insistant sur la gravité de la situation.

De plus, de nouveaux fonds d’urgence en lien avec la COVID-19 ont été annoncés, mais dont les règles posent également de sérieux problèmes.

Que ce soit au sujet de la reddition de comptes ou des fonds d’urgence COVID-19, nous constatons que ni nos préoccupations, ni l’évolution de la pandémie ne sont prises en compte.

Reddition de comptes et assemblée générale annuelle

Dès le début de la pandémie, les OCASSS ont constaté que la situation exceptionnelle nécessiterait de prendre des mesures exceptionnelles, tant à l’égard de leur fonctionnement interne que face aux exigences administratives de leurs bailleurs de fonds, et ce, tant que durerait l’état d’urgence sanitaire. L’entente conclue le 11 mai, entre le MSSS, la Table et la CTROC, était bien adaptée à la situation, puisqu’elle stipulait que les OCASSS disposeraient de 4 mois après la levée de l’état d’urgence pour remettre les documents de reddition de comptes.

Cependant, le 31 août, une lettre de Madame Chantal Maltais, sous-ministre adjointe, annulait cette entente, en annonçant que les OCASSS devraient produire leur reddition de comptes et tenir leur AGA au plus tard le 31 décembre, leur recommandant une assemblée en visioconférence.

Depuis le mois de mars, ce n’est pas de gaîté de cœur que de nombreux conseils d’administration d’OCASSS ont reporté leur AGA, moment fort de leur vie associative, en raison de la COVID-19. C’est en pensant à la santé, physique et mentale, de leurs membres et des personnes qui y travaillent, qu’ils ont pris cette difficile décision.

Si l’arrêté ministériel 2020-029 permet la tenue virtuelle de rencontres, cela doit demeurer une possibilité et non une obligation, car cela n’est ni possible, ni souhaitable pour toutes les situations. Selon nos informations, de 20% à 40% des OCASSS, selon les régions, sont dans l’incapacité de tenir leur AGA, virtuellement ou autrement, en raison de plusieurs obstacles. Ceux-ci nomment particulièrement l’épuisement des équipes de travail, la fracture technologique, la fatigue organisationnelle, la perte de sens de l’exercice démocratique et des échanges, etc.

Déjà, depuis mars, des personnes vulnérables sont exclues des rencontres virtuelles, que ce soit en raison de leur âge, du manque de matériel, de connexion suffisante ou de connaissance technique. Il faut aussi prendre en compte les effets cumulatifs sur la santé des réunions virtuelles qui se sont multipliées, tant pour les personnes qui les organisent que pour celles qui y participent.

À ces obstacles s’ajoute actuellement un problème de taille : l’évolution de la pandémie dans les régions. Ainsi les consignes changeantes qui découlent de l’ampleur des cas de COVID-19 compromettent la capacité des OCASSS à organiser des AGA, même virtuelles. En plus de demander la disponibilité des membres pour y participer, une grande quantité de travail précède la tenue d’une AGA, et ce travail doit être fait par le conseil d’administration et l’équipe de travail. Or, ces personnes font partie des communautés touchées par la COVID-19. S’y trouvent des personnes endeuillées, malades ou en convalescence, en isolement, des proches aidantes, des parents qui tentent de concilier le télétravail et leurs autres responsabilités, etc. C’est à toutes ces personnes que votre gouvernement demande de limiter les activités hors du foyer, ce qui ne peut qu’entraver la capacité à préparer et à participer à une AGA.

L’aggravation de la situation sanitaire des dernières journées rend l’adaptation des règles de reddition de comptes incontournable. Personne ne souhaite que des mesures administratives causent des foyers d’éclosion de la COVID-19, parce que des personnes auront été forcées de préparer des assemblées générales ou parce que des membres y auront participé.

Puisque selon la Loi des compagnies, c’est le CA qui adopte les rapports d’activités et financiers, nous demandons que le MSSS accepte les résolutions de CA, à titre de reddition de comptes. Cet allégement enlèverait de la pression sur les OCASSS en leur donnant la possibilité de décider du meilleur moment pour tenir leur assemblée générale. Nous croyons que les obligations légales et les règles de reddition de comptes doivent et peuvent être adaptées à la situation sanitaire. Nous demandons donc que le délai du 31 décembre soit levé, tant pour la reddition de comptes que pour la tenue de l’AGA, et que le MSSS garantisse que les OCASSS ne subissent aucune conséquence ni préjudice quant aux versements, à l’indexation et aux augmentations liées à leur subvention PSOC, s’ils dépassent cette date.

Actuellement la 2e vague et les pressions du MSSS font en sorte que les CA sont poussés à tenir des AGA virtuelles, alors qu’ils voudraient les reporter à un moment favorable. La situation nécessite de reconnaître que c’est le conseil d’administration qui est responsable de déterminer si la forme virtuelle d’une AGA convient à son fonctionnement et à ses membres.

Code civil, Loi sur les compagnies et bilan intérimaire

Nous constatons que le MSSS, dans ses correspondances aux OCASSS, invoque la Loi sur les Compagnies, ainsi qu’un communiqué du ministère des Finances, et qu’il prend la responsabilité de faire respecter des règles extérieures à son lien envers les OCASSS qu’il subventionne. À ce sujet, nous demandons que des corrections soient apportées concernant les informations qui circulent, entre autres au sujet du bilan intérimaire.

Il semble nécessaire de rappeler que les droits et obligations des membres, ceux des conseils d’administration et les processus décisionnels à respecter reposent sur le Code civil et sur la Loi sur les Compagnies (principalement sur la partie 3), en plus d’être précisés dans les règlements généraux spécifiques à l’organisme. Un bailleur de fonds n’étant pas le gardien des pratiques internes des OCASSS, le MSSS n’a pas à dicter le moment ou la forme d’une AGA, ni les documents à transmettre aux membres[1].

Lorsqu’il aborde la question du report de l’AGA et du bilan intérimaire, le ministère des Finances insiste sur les obligations du CA envers ses membres, précisant que celui-ci « s’acquitte valablement de ses obligations » en leur présentant un bilan intérimaire, mais il n’en fixe pas le contenu.

Soulignons que lorsque la Loi sur les compagnies mentionne le bilan financier, il est alors question du bilan annuel remis lors de l’assemblée générale annuelle, et non de quelque période intérimaire que ce soit. De plus, ni la LSSSS, ni le Cadre de reddition de comptes du PSOC ne font référence à un bilan intérimaire, et encore moins à ce qu’il pourrait contenir.

Or, malgré que le MSSS ait reconnu que le bilan intérimaire était un document interne présenté aux membres et qu’en conséquence, il ne pouvait exiger de le recevoir à titre de reddition de comptes, on exige actuellement des OCASSS qu’ils le présentent en AGA et en fournissent la preuve, en plus de l’exiger sous la même forme que le bilan annuel.

Le MSSS doit donc informer correctement les OCASSS et préciser que le rapport intérimaire est document interne qui n’intervient d’aucune manière dans la reddition de comptes du PSOC, ce qui signifie qu’il ne peut exiger de preuve de sa présentation.

Soulignons au passage que le Code civil indique qu’un OSBL doit tenir son AGA 6 mois après la fin de l’année financière, ce qui devrait primer sur toute autre loi ou règle, et donc sur les 4 mois indiqués dans la Loi des compagnies[2].

Les fonds d’urgences COVID-19

Votre gouvernement a reconnu que les OCASSS ont besoin de soutien supplémentaire pour faire face à la COVID-19, et plusieurs fonds d’urgence ont été accordés. Malheureusement, chaque fonds étant une subvention distincte (avec objectif, calendrier et reddition de comptes à remplir), les OCASSS se retrouvent maintenant devant une multitude de rapports à produire, dans lesquels ils doivent chaque fois prouver qu’ils en ont fait plus. Au moment où les OCASSS peinent à s’adapter à la pandémie et tentent de continuer à fonctionner, ils se retrouvent surchargés par une bureaucratie excessive.

À cet égard, le fonds d’urgence de 17,6M$ visant à soutenir les OCASSS en santé mentale est éloquent. Pour un montant moyen de moins de 40,000$, un groupe pourrait devoir s’engager à offrir plus de services et d’activités, dans ce qui s’apparenterait à une entente de services. En effet, le MSSS exigerait que les sommes servent uniquement pour des dépenses additionnelles, basées sur le nombre supplémentaire de personnes reçues, selon une vision uniquement quantitative.

Dans le même esprit que nos demandes exprimées plus haut concernant la reddition de comptes annuelle des subventions, nous vous demandons de réduire les exigences administratives de tous les fonds d’urgence, actuels et futurs.

Nous vous demandons aussi d’allonger la période couverte par le fonds de 70M$ prévu pour compenser les OCASSS qui n’ont pu tenir les activités de financement en raison de la pandémie, car de telles activités ne pourront se tenir pour encore plusieurs mois.

En conclusion, nous espérons que vous comprendrez l’urgence de procéder aux changements demandés par cette lettre et nous vous assurons de notre collaboration pour contribuer à la recherche de solutions cohérentes avec la situation sanitaire et avec les réalités des OCASSS. Nous estimons qu’il en va du nécessaire climat de confiance, non seulement entre vous et nos deux organisations, mais ultimement, entre les OCASSS et le MSSS.

En vous remerciant pour votre attention, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, nos salutations distinguées.

Hugo Valiquette, président, Coalition des Tables régionales d’organismes communautaires

Doris Provencher, secrétaire du Comité exécutif, Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles

cc

  • Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux
  • Éric Girard, ministre des Finances
  • Sonia Lebel, présidente du Conseil du trésor
  • Jean Boulet, ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité
  • Joanne Castonguay, Commissaire santé et bien-être
  • Marie Rinfret, Protectrice des citoyens
  • Horacio Arruda, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé publique
  • Chantale Maltais, sous-ministre adjointe, Direction générale des programmes dédiés aux personnes, aux familles et aux communautés
  • Stéphanie Morin, directrice, Direction générale adjointe des services en santé mentale, en dépendance et en itinérance
  • Daniel Garneau, directeur général adjoint, Direction générale adjointe des services sociaux généraux, des activités communautaires et des programmes en déficience
  • Marylaine Chaussé, directrice des services sociaux généraux et des activités communautaires
  • Les gestionnaires responsables du PSOC des CISSS-CIUSSS
  • Caroline Toupin, coordonnatrice du Réseau québécois de l’action communautaire (RQ-ACA)
  • Danielle Rioux, conseillère politique du ministre Lionel Carmant
  • Les responsables de la santé et des services sociaux des partis d’opposition
  • Les regroupements régionaux et provinciaux d’organismes communautaires, ainsi que les organismes nationaux

Note : Cette lettre sera également transmise aux médias.

Annexe : Exemples d’informations inexactes ou trompeuses transmises aux OCASSS

sur les règles imposées lorsque l’assemblée générale annuelle

se tient plus de 4 mois après la fin de l’année financière

   Rectifications
Ø  31-08 : Lettre de Chantal Maltais, sous-ministre adjointe à l’intention des regroupements et organismes nationaux financés par le PSOC.

« Dans le but d’offrir de la souplesse aux organismes financés, tout en leur permettant de s’acquitter de leurs obligations, le dépôt des documents de reddition de comptes, applicables pour les exercices financiers se terminant avant ou le 30 juin 2020, devra s’effectuer au plus tard le 31 décembre 2020. La tenue de l’assemblée générale annuelle (AGA) devra avoir lieu en respect de ce délai et des règles sanitaires, notamment en privilégiant le recours aux technologies disponibles. Par ailleurs, en plus du bilan annuel, il est également nécessaire qu’un bilan intérimaire, ayant une date se situant moins de quatre mois avant celle de l’AGA, soit déposé lors de la tenue de cette dernière»

 

Ø  01-09 : Lettre de Daniel Garneau

« S’il « s’avère impossible de tenir l’assemblée annuelle dans les quatre mois de la fin de l’exercice financier de la personne morale, on voit souvent celle-ci tenir cette assemblée annuelle plus tard, et y soumettre aux membres, en plus du bilan annuel, un bilan intérimaire à une date se situant moins de quatre mois avant celle de l’assemblée, ce qui satisfait l’exigence statutaire ». (Me Paul Martel, La corporation sans but lucratif au Québec, Wilson & Lafleur, 2006, p. 14-6;14-7, référence fournie par le ministère des Finances).

Le bilan intérimaire est donc composé des mêmes éléments que le bilan annuel, mais présente les résultats pour les premiers mois du nouvel exercice financier.

En guise de rappel, voici les éléments qui doivent être détaillés dans le bilan annuel, en vertu de l’article 98(3) de la Loi sur les compagnies « chaque bilan doit être dressé de manière à énoncer séparément au moins les items suivants de l’actif et du passif: (…) » la citation se poursuit en reprenant les items a) jusqu’à m.)

Ø  18-09 : Lettre de Marylaine Chaussé, Directrice des services sociaux généraux et des activités communautaires, aux gestionnaires du PSOC

« Le bilan intérimaire est un document administratif présenté aux membres de l’organisme pour faire état des recettes et des dépenses, si l’assemblée générale annuelle (AGA) est tenue plus de quatre mois suivant la fin de l’exercice financier de l’organisme.

Les organismes n’ont pas à transmettre ce bilan au CISSS et au CIUSSS ni au ministère de la Santé et des Services sociaux. »

« Enfin, la présentation des états financiers intérimaires devrait être inscrite dans le procès-verbal de l’AGA. »

 

Ø  Depuis le 22-09 : correspondances de responsables PSOC d’au moins neuf CISSS-CIUSSS :

 

Sur le bilan intérimaire :

·         S’ajoute au bilan annuel.

·         Doit couvrir les premiers mois du nouvel exercice financier jusqu’à une date se situant moins de 4 mois avant celle de l’AGA

·         Est composé des mêmes éléments que le bilan annuel (actif, passif, actif net)

·         Doit être déposé lors de l’AGA

·         Sa présentation doit être inscrite dans le procès-verbal de l’AGA.

Détails ajoutés dans au moins trois régions:

·         Un groupe ayant tenu son AGA sans y déposer le bilan intérimaire se fait dire qu’il doit tenir une Assemblée générale spéciale pour se conformer

·         Le procès-verbal de l’AGA doit être transmis et contenir une résolution attestant que le bilan intérimaire a été présenté aux membres

·         Les OCASSS ayant déjà tenu leur AGA, sans y présenter de bilan intérimaire doivent le transmettre à leurs membres

·         Le bilan intérimaire n’est pas une exigence de la Loi sur les compagnies et du Code civil.

·         La seule mention qui s’en rapproche est celle du bilan intermédiaire trimestriel, applicable aux sociétés cotées en bourse, à l’intention des actionnaires, et qui se compose effectivement des mêmes éléments qu’un bilan annuel[3]. Or, un OCASSS n’a pas d’actionnaire. Si le ministère des Finances avait voulu référer au bilan intermédiaire, il n’aurait pas choisi le terme « intérimaire ».

·         Le document de Me Paul Martel est cité comme preuve qu’il s’agit d’une obligation légale et que son contenu doit être le même que pour un bilan annuel, alors qu’il ne présente qu’une observation et non une règle.

·         Un bilan financier annuel est un document d’au moins 8 pages contenant les produits et les charges, le flux de trésorerie, le bilan des actifs, des passifs et des actifs nets, débiteurs, créditeurs, encaisse, etc.

·         L’article 98(3) de la Loi sur les compagnies est cité sans retirer les items J et K, qui ne sont pas applicables aux organismes régis par la 3e partie de cette Loi, en vertu de l’article 224.

·         Le bilan intérimaire ne faisant pas partie de la reddition de comptes, le MSSS a reconnu qu’il ne peut demander de le recevoir. Or, il n’a pas davantage le droit de demander de recevoir une résolution prouvant qu’il a été présenté en AGA.

·         Le MSSS ne peut interférer dans les pratiques internes des OCASSS, en exigeant l’envoi de documents aux membres, la tenue d’une AGS ou toute autre démarche qui relève de l’autonomie de l’OCASSS, puisque non régi par une Loi ou une règle convenue.

[1] Un rappel des informations erronées qui circulent actuellement est en annexe.

[2] Ce rappel met en évidence l’incohérence des règles générales du PSOC, qui exigent que la reddition de comptes soit transmise au plus tard 3 mois après la fin de l’année financière, mais nous y reviendrons ultérieurement.

[3] Loi sur les valeurs mobilières, notamment le règlement 51-102 sur les obligations d’information continue et le règlement modifiant le règlement 81-106 sur l’information continue des fonds d’investissement, ainsi que Comptables professionnels agréés du Canada, Lire les états financiers – Que me faut-il savoir? Réponses à des questions courantes -Guide d’introduction, 2014, p. 34-35.