Le 20 octobre 2017 la coordonnatrice de la Table participait à titre de panéliste à la conférence  « Favoriser un environnement porteur pour la société civile : démocratie et dissidence » organisée par le Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI), Voices-Voix, ainsi que le Centre pour les droits de la personne et le pluralisme juridique de la Faculté de Droit de l’Université McGill.

Panel « Le Canada a-t-il un environnement porteur pour la société civile? »,

Le rapport de la conférence a été publié en avril 2019. Version française et anglaise

Voici l’extrait (pages 42 à 45) du rapport sur la présentation faire par Mercédez Roberge.

Rapport de conférence panels et table-ronde, avril 2019 – CONFÉRENCE Favoriser un environnement pour la société civile

 

Mon OSBL n’est pas un lobby!

 My non-profit is not a lobby group! 

Mercédez Roberge est coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB). Auparavant, elle a présidé le Mouvement pour une démocratie nouvelle. Militante bien connue à Montréal et dans l’ensemble du Québec, elle travaille avec des organisations communautaires et des OSC dans le contexte de mouvements sociaux touchant à divers enjeux, dont l’opposition aux mesures d’austérité.

 La campagne Mon OSBL a tiré la sonnette d’alarme sur les effets néfastes du projet de loi 65 au Québec, qui visait à assimiler les OSBL aux lobbyistes. La campagne a souligné l’impact de la loi projetée sur les droits individuels et collectifs à la liberté d’expression et à la liberté d’association, ainsi que sur l’intégrité des organisations communautaires qui travaillent pour promouvoir la justice sociale et sur leur capacité à fonctionner de manière efficace.

Un environnement qui est défavorable pour les OSC a des répercussions, entre autres, au niveau de la liberté d’expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d’association, quel que soit le domaine de leur action.

Au Québec, la campagne Mon OSBL n’est pas un lobby était menée par la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB).6 Cette mobilisation a illustré le fait que les OSC doivent lutter pour pouvoir s’exprimer contre les règles qui visent à étouffer le travail de défense des droits et la liberté d’association.

La campagne Mon OSBL a tiré la sonnette d’alarme sur les effets néfastes d’un projet de loi au Québec, qui visait à assimiler les OSBL aux lobbyistes. La loi projetée aurait affecté les droits individuels et l’intégrité des organisations communautaires qui travaillent pour promouvoir la justice sociale et sur leur capacité à fonctionner de manière efficace. Favoriser un environnement porteur pour la société civile

Historique

En 2002, en réponse au scandale des commandites, dans lequel le gouvernement fédéral avait utilisé des moyens de financement douteux pour promouvoir le fédéralisme au Québec, le gouvernement provincial a adopté la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme7 dans le but de réglementer les pratiques de lobbying au Québec pour davantage de transparence et pour renforcer la confiance de la population.8

En vertu de la loi de 2002, les lobbyistes qui cherchent à exercer une influence auprès des titulaires de charges publiques (élus et fonctionnaires) doivent être inscrit sur le registre des lobbyistes. La loi définit les activités qui constituent du lobbyisme et elle identifie trois types de lobbyistes : le lobbyiste-conseil, le lobbyiste d’entreprise et le lobbyiste d’organisation.

L’objectif de la loi de 2002 était de réglementer le secteur des organismes à but lucratif. Par conséquent, quelques OSBL à peine furent assujettis à ce régime, notamment les organisations professionnelles, les organisations d’employeurs et les syndicats, ainsi que les regroupements d’organismes à but lucratif.

Entre 2008 et 2015, le commissaire au lobbyisme du Québec, François Casgrain, a recommandé que tous les organismes sans but lucratif impliqués dans la société civile soient assujettis à la loi.

Sa recommandation a servi de socle pour le projet de loi 56 (Loi sur la transparence en matière de lobbyisme), introduit par le gouvernement en 2015 en tant qu’amendement à la loi de 2002. Si la loi avait été votée, il aurait fallu que toutes les personnes qui agissent au nom d’un organisme sans but lucratif ou d’une association soient inscrites en tant que lobbyistes. Leurs noms apparaîtraient ainsi sur un registre public. Au total, 61 000 organismes sans but lucratif auraient été touches par l’amendement.

Considérations politiques

Il y a des impératifs politiques pour exclure les organismes sans but lucratif du cadre qui s’applique aux lobbyistes rémunérés et aux professionnels des relations publiques, en partie en raison des mandats très différents des OSBL, qui travaillent dans l’intérêt du public dans le champ de la justice sociale et non en vue d’obtenir un profit ou une compensation. Favoriser un environnement porteur pour la société civile

Le contexte particulier dans lequel travaillent les OSC suscite des préoccupations quant à la liberté d’expression et à la liberté d’association.

Les OSC sont en mesure de fonctionner principalement grâce au travail de bénévoles et de militants qui agissent à titre de porte-parole, font partie de comités et signent des lettres et des pétitions à l’intention du gouvernement. Mettre toutes ces personnes sur des registres gouvernementaux en tant que « lobbyistes » auraient immédiatement un effet dissuasif sur l’implication. Une des grandes craintes est le fait d’être perçu comme engagé dans des activités de lobbying telles qu’elles sont généralement comprises au Québec, à savoir associées à des scandales politiques et en faveur d’intérêts privés.

Une des pratiques courantes parmi les OSC est d’organiser conjointement des campagnes et de signer des lettres d’action conjointe avec d’autres organisations. Dans ces cas, le projet de loi 56 aurait exigé de chaque groupe et de chaque individu participants de s’inscrire en tant que lobbyiste, y compris les bénévoles. Cela aurait porté atteinte à la vitalité des associations sans but lucratif, et à la qualité et au poids de leur représentation collective. Par ailleurs, les bénévoles appartenant à des groupes stigmatisés ou vulnérables se seraient montrés réticents à l’idée d’afficher leurs noms à côté de groupes de relations publiques et de lobbyistes rémunérés.

Les OSBL, tout comme les individus impliqués dans les actions de représentation, auraient pu se voir infliger des amendes. Le projet de loi proposait une augmentation des amendes, entre 18 000 $ et 150 000 $, pour ceux qui y contreviennent.

Phénomène lié au précédent, l’inscription aurait eu un effet dissuasif pour les bénévoles et les militants qui s’engagent au sein d’organisations en vue de défendre leurs droits ou les droits de leurs pairs.

La stigmatisation et la marginalisation associées avec la publicité toucherait des individus qui militent pour des changements législatifs et politiques progressistes et qui pourraient être victimes de violence, souffrir de dépendance ou d’un handicap et qui ne souhaiteraient pas voir leurs noms affichés.

De plus, le TRPOCB soutient que l’inscription obligatoire pour les OSBL n’auraient pas été conforme à l’intention originelle du législateur qui était d’améliorer la transparence en matière de lobbyisme au regard d’activités qui autrement demeureraient cachées. Ces préoccupations ne sont aucunement pertinentes en ce qui concerne les OSC dont le travail est centré sur la sensibilisation et la promotion de politiques.9

Dans sa présentation, Mme Roberge a souligné le contraste qui existe entre les buts de la représentation faite par les OSBL auprès du gouvernement et ceux des lobbyistes du secteur privé ou du monde des affaires. Elle a également démontré que le public n’a rien à gagner de l’assujettissement des OSBL à la loi de 2002, mais qu’à l’inverse, les OSBL subiraient des pertes de manière disproportionnée.

L’inclusion de tous les OSBL dans la loi compromettrait la liberté d’expression de ces organisations et limiterai la participation publique dans les OSBL.

Outre les interventions politiques de Mon OSBL n’est pas un lobby, la campagne a également participé à sensibiliser les OSBL quant à l’importance de défendre la liberté d’association et la liberté d’expression au profit des personnes avec qui ils travaillent, mais aussi pour eux en tant que groupes.

L’exercice de la liberté d’association en tant que droit de la personne suppose l’existence d’espaces pour la réunion et la rencontre entre individus; plus encore, l’État est tenu de ne pas compromettre l’existence ou le développement de tels espaces. Or, c’est ce qui serait arrivé si le projet de loi 56 avait été adopté dans la forme proposée.

 

 

6 La TRPOCB comprend 43 groupes dans l’ensemble du Québec, dont 3 000 organisations communautaires qui travaillent sur les enjeux  liés à la santé et les services sociaux, notamment la sécurité alimentaire, la santé mentale, la violence, la toxicomanie et la dépendance etc.

7 Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme, CQLR c T-11.011. En ligne : < http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/T-11.011 >

8 RQASF, « Mémoire présenté par le Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF) à la Commission des institutions sur l’étude du rapport ‘Propositions de modifications à la Loi sur la transparence et l’éthique en matière de lobbyisme’ du Commissaire au lobbyisme », RQASF, septembre 2013, p. 5. En ligne : <http://rqasf.qc.ca/files/memoire-lobby-obnl.pdf>

9 TRPOCB, « Mémoire de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles dans le cadre de la consultation du Commissaire au lobbyisme du Québec », TRPOCB, 11 février 2016, p. 6. En ligne : <https://trpocb.org/wp-content/uploads/2016/02/2016_02_11Memoire-TRPOCB-Commissaire-lobby-pl56.pdf >