Pourquoi s’intéresser au lobbyisme aujourd’hui?
Nous ne nions pas la nécessité d’entretenir un dialogue entre les entreprises et les gouvernements : le développement économique doit se faire en collaboration avec les firmes qui peuvent donner l’heure juste sur leurs produits et services, et bien expliquer les effets de leur développement sur les populations.Mais il existe actuellement un dangereux déséquilibre entre les entreprises et les mouvements citoyens dans la capacité de défendre leurs intérêts respectifs. L’intérêt commercial des firmes l’emporte trop souvent sur d’autres considérations reliées au bien commun.
Le lobbyisme des entreprises est appuyé par des ressources financières considérables, beaucoup plus grandes que celles des mouvements sociaux. Cette pratique est avantagée par un nombre important de lobbyistes professionnels aux salaires élevés et dont le travail consiste entièrement à défendre auprès des gouvernements et du grand public l’intérêt commercial des firmes auxquelles ils sont rattachés. Ces lobbyistes ont des liens souvent serrés avec des représentant.e.s de la classe politique qui font pencher d’importantes décisions en leur faveur.
Les médias ont rapporté de nombreux cas qui montrent comment les lobbyistes ont réussi à influencer des politiques gouvernementales ainsi que l’opinion publique, et cela aux dépens des intérêts de la majorité de la population. Par exemple, des compagnies de pesticides ont montré leur emprise sur les instances gouvernementales en répandant l’usage de leurs produits malgré les recherches prouvant leur toxicité ; des compagnies d’hydrocarbure retardent la transition écologique en poursuivant sans se restreindre l’exploitation du pétrole et du gaz naturel, à l’encontre des recommandations du GIEC; les GAFAM rejettent toute règlementation à leur égard, entre autres au mépris du droit à l’information; les grandes banques s’opposent au projet de taxe sur les transactions financières et à des mesures efficaces pour combattre l’évitement fiscal; Uber a imposé son modèle d’affaires défavorable aux travailleurs et aux travailleuses en faisant ajuster les lois à leurs pratiques d’abord illégales; McKinsey a s’est attiré un grand nombre de contrats publics pour des services qui auraient pu être accomplis par le secteur public. Nous pourrions facilement ajouter d’autres exemples à cette liste. Ces cas sont trop nombreux pour que nous continuions à adopter à leur égard une attitude passive ou résignée. Il est clair, selon nous, que le lobbyisme pose un problème majeur pour la démocratie
À l’inverse, il est aussi dangereux pour la démocratie d’associer les interventions d’OSBL ou de groupes citoyens à du lobbyisme. C’est ce qu’a voulu à quelques reprises, et tente toujours de faire, le Commissaire au lobbyisme du Québec, cherchant à assujettir les OSBL à la loi sur le lobbyisme et ainsi forcer leurs intervenant.e.s à s’inscrire au registre des lobbyistes. Cette inscription serait un obstacle majeur au droit d’association, en plus de limiter la capacité d’interventions sociales des OSBL. Le travail de représentation collective de ces dernières s’inscrit comme une action citoyenne et de militance, impliquant souvent des bénévoles. Contrairement à celle des lobbyistes, les démarches cherchant des avancées sociales s’exercent dans la transparence.
Il faut distinguer les interventions qui se font au bénéfice d’intérêts commerciaux, qui sont reliées aux profits des entreprises, et celles en faveur du bien commun et d’intérêts non commerciaux, dégagées de toute notion de profits. Cette distinction reste selon nous fondamentale. Or, considérer comme lobbyiste toute personne qui défend une cause auprès d’un.e élu.e crée un dangereux amalgame : ceci met sur un même pied deux types de représentation fondamentalement différents et qui s’exercent dans des conditions qui n’ont rien en commun.
Il nous parait donc important de faire à la fois la lumière sur les problèmes causés par le lobbyisme du secteur lucratif que de protéger le droit d’association des OSBL.
Voilà pourquoi nous sollicitons votre appui à une déclaration sur le lobbyisme : à la fois pour mieux baliser la surveillance des lobbyistes et pour empêcher que la Loi s’applique à des organisations qui n’ont pas à l’être.
Nous sommes aussi conscient.e.s de l’ampleur de ce problème et de la très grande difficulté à le résoudre, tant il est complexe et a de multiples facettes. Ce constat n’est surtout pas une raison pour ne pas agir. C’est pourquoi la déclaration se veut également informative. Nous espérons ainsi initier un nécessaire débat public sur cette question.
Nous invitons autant les personnes que les organisations à signer la déclaration Lobby : halte aux dérapages https://lobby-halte-aux-derapages.org/ et à la diffuser dans leurs réseaux. Notre première vague de recherche de signature se déroulera du 7 novembre 2023 au 8 mars 2024. Soyez de la première vague! Les appuis récoltés durant cette première période serviront de tremplin pour accroître les adhésions et médiatiser la déclaration lors d’un événement public qui se tiendra le 24 mars de 10h30 à midi (les détails suivront).
En vous remerciant de votre solidarité,
Claude Vaillancourt, ATTAC-Québec
Mercédez Roberge, coalition Mon OSBL n’est pas un lobby
Thibault Rehn, Vigilance OGM
Liens pour télécharger le texte de la déclaration « Lobby: Halte aux dérapages » en pdf et en word.
Liens pour télécharger le texte d’introduction « Pourquoi s’intéresser au lobbyisme aujourd’hui » en pdf et en word.