Lettre ouverte

Le 13 novembre dernier, le gouvernement a adopté un projet de loi qui n’augure rien de bon pour les groupes communautaires autonomes, pour les personnes qui y recourent, y travaillent ou y œuvrent comme bénévoles. Intitulé Loi visant à encadrer les sites de consommation supervisée afin de favoriser la cohabitation avec la communauté, le projet de loi 103 contrevient d’abord à l’autonomie de ces derniers, mais en plus, il ouvre la porte au contrôle de l’ensemble du mouvement de l’action communautaire autonome.

Que certains défauts du projet de loi 103 ait été atténués durant l’étude détaillée ne fait pas disparaître le problème, soit le précédent qu’il instaure. En effet, son adoption permet maintenant au gouvernement de contrôler des groupes qui appartiennent à leurs membres et non à l’État.

Une épée de Damoclès est maintenant suspendue au-dessus d’organismes qui sont déjà énormément préoccupés par le climat social. Maintenant que le gouvernement a commencé, on ne peut que craindre où il va s’arrêter.

Compromettre l’autonomie des uns, c’est compromettre l’autonomie de tous

Au courant de l’étude détaillée du projet de loi, madame Sonia Bélanger, nouvelle ministre responsable des services sociaux, a souvent exprimé sa volonté de respecter l’autonomie des groupes communautaires. Or, la meilleure manière de le faire aurait été de retirer le projet de loi. Elle doit aussi bloquer toutes tentatives du gouvernement, actuelles ou futures, pouvant porter atteinte à l’autonomie des organismes communautaires du domaine de la santé et des services sociaux.

Quant à la ministre Chantal Rouleau, son mutisme nous laisse perplexes. En tant que responsable de la Solidarité sociale et de l’Action communautaire, nous nous attendions à ce qu’elle soit la plus ardente défenseure de l’autonomie communautaire et de la liberté d’association. Tant ce rôle que celui de ministre responsable de la métropole, une région particulièrement affectée par le projet de loi 103, auraient justifié une intervention de sa part.

Mesdames Bélanger et Rouleau connaissent les retombées immenses que permet l’approche globale des groupes d’action communautaire autonome. Non seulement elles affirment régulièrement être sensibles à leurs réalités et soutenir leurs actions, mais elles savent très bien que la Politique gouvernementale en action communautaire affirme l’importance de protéger l’autonomie. Elles savent qu’il faut encourager l’agilité des groupes au lieu de chercher à les contrôler. Ils n’ont pas besoin de plus d’encadrement de la part de l’État, mais bien d’augmentation de leurs subventions pour la mission globale.

Une addition de dérives autoritaires

La CAQ accumule les projets de loi qui contreviennent aux droits et libertés de toutes sortes de façons.

La loi sur l’intégration nationale, adoptée au printemps dernier, conditionne les subventions par projet à des objectifs extérieurs à ceux des groupes.

Le projet de constitution cherche à museler la société civile, en plus de ne pas être issu d’une démarche impliquant la population.

Les milieux syndicaux sont attaqués par le projet de loi 3 qui menace notamment leur capacité de porter des luttes sociales, tant en agissant en alliance que sur des dossiers qui leur sont propres.

Le projet de loi 7, sous des prétextes d’amélioration de l’administration publique, changerait la nature d’un programme jusqu’à présent destiné uniquement aux groupes d’action communautaire autonome.

Comme si ce n’était pas suffisant, le projet de loi 103 impose aux sites de consommation supervisée des règles ne provenant pas de leurs membres. En raison de ce précédent, rien n’empêche plus le gouvernement de s’ingérer dans le fonctionnement, donc dans la vie démocratique, des groupes que la population s’est donnée.

Cette très inquiétante accumulation d’atteinte aux droits démontre une vision sociale à l’opposé du projet de société auquel on aspire.

On appelle le gouvernement à protéger les droits et libertés, notamment en respectant l’autonomie des groupes communautaires. Non seulement les ministres Sonia Bélanger et Chantal Rouleau doivent s’en assurer, mais elles ont le devoir de montrer le chemin à leurs collègues.

Nous prendrons la rue en grand nombre, le 29 novembre prochain, pour maintenir la pression sur le gouvernement pour que cessent les attaques à l’autonomie communautaire.

  • Stéphanie Vallée, présidente de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles
  • Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles