Le 25 septembre 2025, la Coalition solidarité santé, la Ligue des droits et libertés, le Réseau québécois de l’action communautaire autonome et la Table ont uni leurs forces pour réclamer de manière unanime l’abandon du projet de loi 103. Ce communiqué de presse a été largement diffusé aux médias québécois ainsi qu’aux membres de l’Assemblée nationale.
Communiqué
Syndrome « pas dans ma cour » : Le projet de loi 103 doit être relégué aux oubliettes
Montréal, le 25 septembre 2025. La Coalition solidarité santé, la Ligue des droits et libertés, le Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA) et la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB) unissent leurs voix pour demander l’abandon du projet de loi 103 Loi visant principalement à réglementer les sites de consommation supervisée afin de favoriser une cohabitation harmonieuse avec la communauté. Elles estiment que ce projet de loi brime les droits et libertés de plusieurs manières. S’il s’attaque tout d’abord aux personnes fréquentant les sites de consommation supervisée et celles en situation d’itinérance, il constituerait un grave précédent en ouvrant la porte à une application à l’ensemble des groupes d’action communautaire autonome. Elles invitent donc le gouvernement à profiter du renouvellement de la session parlementaire pour cesser l’étude du projet de loi 103, d’autant plus qu’il a été largement rejeté durant la consultation de la Commission de la santé et des services sociaux en juin dernier.
Ces quatre organisations nationales rejoignent des milliers d’organismes communautaires et syndicaux partout au Québec. Via les organismes et les personnes qui les constituent, elles possèdent une analyse fine et réaliste des besoins de la population et partagent une même vision globale de la justice sociale.
La tendance au « pas dans ma cour » dépasse largement le fait de déplacer ce qui dérange. Cela entraîne un désengagement social en remettant en question l’existence de ce qui ne nous sert pas individuellement ni immédiatement. Le gouvernement n’assume pas ses responsabilités face à la population. Au contraire, il contribue à la montée de l’intolérance en pénalisant les personnes qui en sont victimes. Les ressources mises en place par le mouvement communautaire doivent exister pour tout le monde et être accessibles, pour les mêmes raisons que l’on paie des impôts pour des routes qu’on n’utilisera jamais, pour une école même sans avoir d’enfant en âge d’y aller ou pour qu’il y ait des hôpitaux dans toutes les régions.
Plutôt que de contribuer à la santé et au bien-être des personnes fréquentant les centres de consommation supervisée et les ressources pour personnes en situation d’itinérance, le projet de loi 103 restreindrait leurs droits en attaquant les organismes qui les soutiennent. En leur interdisant de s’implanter à moins de 150 mètres d’une école, d’un centre de la petite enfance ou d’une garderie, le projet de loi 103 éloignerait des ressources importantes des lieux où elles sont nécessaires. Il est aussi à craindre que le gouvernement applique ensuite la même médecine à d’autres groupes, et même selon des règles encore plus strictes.
Malgré son libellé, le projet de loi 103 ne favorisera pas une “cohabitation harmonieuse avec la communauté”, notamment parce qu’il retire à celles-ci la possibilité de se doter des ressources qu’elles souhaitent, là où elles les souhaitent. Il entrave la liberté d’association des groupes communautaires et nuit aux droits à la santé, à la sûreté et au secours des personnes qui les visitent, y travaillent ou y contribuent bénévolement.
Qu’il s’agisse d’un centre de consommation supervisée, d’un refuge, d’une maison des jeunes, d’un groupe militant pour la préservation de l’environnement, d’un endroit sécuritaire en cas de violence, d’un groupe soutenant les personnes assistées sociales, d’une cuisine collective ou d’un centre de femmes, aucun n’est à l’abri des conséquences de l’application du syndrome « pas dans ma cour ». Maintenant que le gouvernement s’est donné l’opportunité de faire table rase des projets de loi de la session précédente, nous lui demandons de reléguer le projet de loi 103 aux oubliettes.
Citations
« Les membres de notre coalition sont très inquiets des précédents que ça pourrait créer. Par règlement, la loi pourrait facilement s’élargir à d’autres types d’organismes qui pourraient être vus comme dérangeant, alors qu’ils sont essentiels. Des organismes communautaires, ça répond aux besoins de la population là où elle se trouve. Les en empêcher, c’est leur enlever le droit de choisir comment mieux aider leur communauté et ça entraverait aussi l’accessibilité des ressources. On comprend que des sites d’injection à proximité des écoles, ça peut faire peur, mais ces sites agissent en prévention. Ils servent entre autres à ce que des seringues ne traînent pas dans des lieux publics, comme des cours d’école, justement. Au lieu de restreindre l’action des organismes communautaires, qui peinent déjà avec leur financement limité à se trouver des locaux, le gouvernement doit investir dans ceux-ci. Il doit aussi agir en matière d’itinérance, investir dans le logement social et en santé mentale – des déterminants sociaux de la santé. Si le gouvernement agissait dans ce sens, on n’aurait pas besoin de cacher les organismes qui aident le monde le plus magané de la société » souligne Geneviève Lamarche, coordonnatrice de la Coalition solidarité santé.
« Un groupe communautaire ce n’est pas un local qu’on peut déplacer à son gré, mais une opportunité d’exercer la liberté d’association. Peu importe le nombre de kilomètres, il est inadmissible que le gouvernement décide de l’emplacement de quelque groupe que ce soit. Administré par pour et avec les personnes directement touchées, leur emplacement, leur fonctionnement et leur existence même dépendent des décisions prises collectivement par leurs membres. Or, le projet de loi 103 outrepasse les processus démocratiques des groupes et prétend soumettre les décisions qui en découlent au pouvoir arbitraire du ministre ou du voisinage. De ce fait, il entrave la liberté d’association des membres par le non-respect de leurs décisions collectives, fondement même de leur autonomie. Qui plus est, l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne devrait plutôt amener le gouvernement à soutenir et favoriser la liberté d’association, en plus de consulter les personnes concernées dans la recherche de solution, afin de contribuer au droit à la santé et à la sécurité de toutes les personnes » déclare Laurence Guénette, coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés.
« Depuis 25 ans, les relations entre l’État et le mouvement de l’action communautaire autonome sont balisées par la Politique gouvernementale de l’action communautaire, un modèle unique au monde. Or, le projet de loi 103 ouvre une large brèche. En effet, il met en péril non seulement l’autonomie, les pratiques et la démocratie internes des groupes visés, mais à terme, celles de tout le mouvement de l’ACA. Quels seront les prochains groupes communautaires visés, et conséquemment, les personnes qui les fréquentent, y travaillent ou y contribuent bénévolement ? Qui sera ensuite repoussé hors des lieux de vie des communautés pour cacher du regard des personnes dont la présence dérange dans le paysage, des situations bouleversantes, des activités et des rassemblements bruyants ou trop fréquents, ou même uniquement parce que la file d’attente déborde sur le trottoir ? » questionne Caroline Toupin, coordonnatrice du Réseau québécois de l’action communautaire autonome.
« En les forçant à s’éloigner des populations qui les fréquentent, le gouvernement nuit à leur accessibilité, mais aussi au sentiment de sécurité des gens qui s’y rendent. De plus, en englobant ces deux types de ressources dans un même projet de loi, le gouvernement propage les préjugés ambiants en donnant l’impression que toutes les personnes en situation d’itinérance ou sans-abri vivent avec un trouble de la consommation et vice-versa[1]. Les organismes communautaires autonomes du domaine de la santé et des services sociaux (OCASSS) sont les premiers visés par le projet de loi 103 et par les dérives qu’il entraînera, mais nous voulons aussi empêcher qu’il affecte tout le mouvement de l’ACA » ajoute Stéphanie Vallée, présidente de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles.
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Pour informations :
- Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles, 514-690-7826, coordination@trpocb.org
- Geneviève Lamarche, coordonnatrice de la Coalition solidarité santé, 514-442-0577, cssante@gmail.com
- Laurence Guénette, coordonnatrice de la Ligue des droits et libertés, 514-849-7717, direction@liguedesdroits.ca
- Meaghan Johnstone, responsable des communications du Réseau québécois de l’action communautaire autonome, 438-498-7681, communication@rq-aca.org
À propos
La Coalition Solidarité Santé est un regroupement québécois d’organisations syndicales, communautaires, de groupes de personnes âgées, de personnes en situation de handicap et de personnes proches aidantes. La défense des grands principes qui constituent les pierres angulaires du réseau de santé depuis sa mise sur pied, à savoir le caractère public, la gratuité, l’accessibilité, l’universalité et l’intégralité, sont à la base de toutes les interventions de la Coalition Solidarité Santé
Depuis 1963, la Ligue des droits et libertés (LDL) a influencé plusieurs politiques gouvernementales et projets de loi en plus de contribuer à la création d’institutions vouées à la défense et la promotion des droits humains. Elle intervient régulièrement dans l’espace public pour porter des revendications et dénoncer des violations de droits auprès des instances gouvernementales sur la scène locale, nationale ou internationale. Son travail d’analyse, de sensibilisation et de promotion est primordial pour que les droits humains deviennent la voie à suivre vers une société juste et inclusive, pour tous et toutes. Comme organisme sans but lucratif, indépendant et non partisan, la LDL vise à défendre et à promouvoir l’universalité, l’indivisibilité et l’interdépendance des droits reconnus dans la Charte internationale des droits de l’homme.
Réseau québécois de l’action communautaire autonome (RQ-ACA)
Interlocuteur privilégié du gouvernement en matière d’action communautaire autonome depuis 2001, le RQ-ACA représente 78 regroupements et organismes nationaux, et rejoint au-delà de 4 500 organismes d’ACA travaillant partout au Québec pour une plus grande justice sociale. Grâce à son expertise et à celle de ses membres, il porte et amplifie la voix des organismes communautaires de tout le Québec.
Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB)
Fondée en 1995, la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles (TRPOCB) est formée de 47 regroupements nationaux, rejoignant plus de 3 000 groupes communautaires autonomes à travers le Québec. Ce sont, par exemple, des maisons de jeunes, des centres de femmes, des cuisines collectives, des maisons d’hébergement, des groupes d’entraide, des centres communautaires, des groupes qui luttent contre des injustices ayant des répercussions sur la santé. Ceux-ci représentent plus que les 2/3 des organismes communautaires autonomes du Québec. Ceux-ci abordent la santé et les services sociaux sous différentes perspectives : femmes, jeunes, hébergement, famille, personnes handicapées, communautés ethnoculturelles, sécurité alimentaire, santé mentale, violence, périnatalité, toxicomanie, etc.
[1] Le dénombrement des personnes en situation d’itinérance visible de 2022 a démontré que 53 %, et non 100 %, des personnes en situation d’itinérance ou sans-abri affirmaient vivre avec un trouble de la consommation. Quant à la toxicomanie, elle n’est évidemment pas spécifique à une classe sociale en particulier.
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